L’exemplarité doit être la première qualité d’un responsable politique. Dans la crise que nous traversons, les citoyens peuvent se soumettre librement à des exhortations en partie absurdes et incohérentes seulement si, ceux qui les professent, les mettent en pratique pour eux-mêmes. Les Allemands se souviennent que, en 2009, lors du H1N1, les ministres ont bénéficié d’un vaccin spécial sans adjuvant pour limiter les risques d’effets secondaires. Plus récemment, le Président Macron fait un dîner à plus de 10, en plein couvre-feu, sans masques. Jean Castex ne télécharge pas l’application StopCovid. François Bayrou et Bruno Le Maire ne portent pas le masque. Des magistrats vont au restaurant alors qu’ils sont censés être fermés. Des journalistes de BFMTV, relais complaisants des directives gouvernementales, les agrémentant au passage d’une dose de culpabilisation, sont attrapés dans un restaurant clandestin. Neil Ferguson, l’épidémiologiste qui a poussé la France et le Royaume-Uni à des confinements strictes a reconnu avoir accueilli chez lui sa maîtresse, qui avait enfreint ainsi les lignes imposées…Tous les acteurs clés de la crise, exhortant leurs peuples à la prudence et les privant de liberté, s’affranchissent des règles qu’ils édictent et font passer insidieusement le message que la pandémie n’est en réalité pas si grave.


Argument détaillé

 

1 – Le principe d’exemplarité

1.1 – L’exemplarité, première qualité du responsable

On entend souvent parler du devoir d’exemplarité des managers ou des leaders. La notion même de devoir est antinomique avec l’exemplarité. Il ne s’agit pas de se forcer, mais d’incarner au quotidien ce que nous défendons. L’absence d’exemplarité entraine d’un côté la déliquescence ou l’anarchie, de l’autre la coercition et donc une forme de dictature. Dans le premier cas, le chef n’est pas suivi et chacun vaque à ses occupations de manière désordonnée. Dans le second cas, le chef contraint ses subordonnés qui perdent ainsi leur liberté d’adhésion.

L’exemplarité est la traduction dans nos actes de nos intentions, de nos valeurs, des qualités auxquelles nous tenons, des objectifs que nous proposons d’atteindre. Elle se révèle indispensable si nous souhaitons entraîner librement les autres dans notre sillage.

Selon The Conversation, quelques récentes recherches « montrent à quel point les collaborateurs ont besoin de l’exemplarité de leurs managers directs mais également de leurs dirigeants pour pouvoir coopérer activement en situation de changement ». « Dans un monde où les acteurs sont libres et éduqués, ils ne s’engageront que si leur leader fait la preuve, à travers ses propres comportements, des mêmes efforts que ceux qu’il leur demande ».

Dans le domaine de la crise sanitaire que nous connaissons, l’exécutif a exigé des privations de liberté jamais vues jusqu’à présent, exprimées de manière désordonnée dans un tissu d’incohérences difficilement appréhensible pour le commun des mortels. La crise était certes singulière et de nombreuses erreurs étaient certes excusables : cependant, le moins qu’on puisse attendre de nos dirigeant est l’exemplarité.

 

1.2 – L’exemplarité en citations

Maréchal de Belle-Isle (1684-1761) – Lettre à mon fils

Assistez à tous les services que fera votre régiment, soyez toujours le premier au rendez-vous que vous lui aurez assigné ; paraissez uniquement occupé de vos devoirs ; dans le cas contraire, vous verrez une triste et froide apathie s’emparer de votre régiment ; tout colonel négligeant entraîne tout son corps vers l’oubli de ses devoirs.

Gaston Courtois, L’art d’être chef, (1958) : pour lui, l’homme n’accepte plus la discipline ni les efforts si celui qui commande ne fait pas de même.

La vie du chef parle toujours plus fort que sa voix et si sa vie est en contradiction avec ses paroles, il y a un illogisme qui scandalise les faibles et révolte les forts

Albert Schweitzer

L’exemplarité n’est pas une façon d’influencer les autres. C’est la seule.

Christophe Castaner, ancien Ministre, ministre de l’Intérieur

Je serai, toujours, intransigeant sur l’exemplarité et l’éthique de nos forces car elle est le ciment de la confiance que nos concitoyens placent en eux

François Hollande, Discours, à Crolles, 18 mars 2017

La démocratie est en danger quand des impulsions éclipsent la raison, quand l’invective masque les perspectives, quand le tweet remplace le texte. La démocratie est menacée quand l’exemplarité vient à manquer.

 

2 – Un précédent marquant en Allemagne lors du H1N1

Nombre d’allemands ont aujourd’hui encore en tête le triste précédent allemand datant de 2009 lors de la grippe H1N1.

Le lundi 19 octobre 2009, le quotidien populaire Bild avait cité des experts accusant le gouvernement d’« offrir une médecine de seconde classe à ses citoyens ». Les experts ont révélé en effet que le gouvernement a choisi de vacciner la chancelière et ses ministres ainsi que les principaux responsables gouvernementaux avec du Celvapan, le même sérum que celui commandé par l’armée allemande au laboratoire Baxter. Celui-ci ne contient pas d’adjuvants et entraînerait donc des effets secondaires moins importants que le Pandemrix, le « vaccin des masses » dont 50 millions de doses ont été livrées aux Länder allemands lundi.

Ces révélations ont scandalisé l’opinion allemande. Redoutant les maux de tête et les poussées de fièvre associées au vaccin Pandemrix, seulement 12% des Allemands ont l’intention de se faire vacciner contre la grippe H1N1. Bénéficiant d’une injection sans risques, ministres et responsables gouvernementaux ont beau jeu d’appeler leur concitoyen à la « responsabilité » en acceptant de se faire vacciner.

« Le fait que des politiciens et les principaux fonctionnaires des ministères soient vaccinés avec un autre vaccin que le peuple, envoie un signal terrible. De nos jours, les politiciens doivent accepter de prendre ce qu’ils recommandent aux autres », estime Martin Exner, directeur de l’institut d’hygiène et de santé publique de l’université de Bonn. Le porte-parole du gouvernement, Ulrich Wilhelm, affirme qu’il n’existe pas « de vaccin réservé au gouvernement ». Il sera désormais difficile de convaincre les nombreux Allemands, persuadés du contraire, d’aller se faire vacciner.

 

3 – Les manquements à l’exemplarité en France

3.1 – Le dîner de Macron et ses convives

Tout le monde se souvient de ce dîner de fin d’année, qui a fait beaucoup jaser. Quelques heures avant d’être testé positif au Covid-19, Emmanuel Macron avait en effet participé à un long dîner à l’Elysée en compagnie d’une dizaine de membres de la majorité et de conseillers, le mercredi 16 décembre 2020.

Parmi les convives : le Premier ministre Jean Castex, le secrétaire général de l’Elysée Alexis Kohler, le président de l’Assemblée nationale Richard Ferrand, le patron de LREM Stanislas Guerini et son homologue au MoDem, François Bayrou. Mais aussi, le chef de file des députés LREM, Christophe Castaner, et son homologue au MoDem, Patrick Mignola, ainsi que l’eurodéputé Stéphane Séjourné, le député Thierry Solère, le conseiller politique Maxance Barré et l’ancien conseiller spécial du président Philippe Grangeon. Au total donc, 12 personnes autour de la table, soit deux fois plus que la consigne des « six adultes » édictée par le gouvernement à l’approche des fêtes.

Comme l’évoquait Le Point, au sommet de l’État planait un certain embarras. En effet, ce dîner dépassait non seulement la jauge des six personnes recommandées officiellement pour des festivités, mais il a duré jusqu’à minuit et demi en plein couvre-feu. « Cela veut dire que tous les décideurs sont à l’isolement », glissait un Marcheur, qui s’interrogeait sur l’exemplarité du pouvoir et redoutait que cela n’aggrave la défiance envers la classe politique.

Par ailleurs, un participant a assuré que les convives ont gardé leur masque durant la soirée, sauf au moment du repas, soit durant environ « deux heures« .

Commentant ce dîner, Le Figaro posait la question : « serait-ce là le signe d’un deux poids deux mesures ?« 

Deux plaintes ont été déposées dans la foulée le vendredi 17 décembre 2020. Mandaté par deux associations — le collectif Victimes coronavirus France et “les Pendus”, qui regroupe des commerçants et restaurateurs indépendants — Maître Fabrice Di Vizio a donc transmis au procureur de la République de Paris deux plaintes contre X “pouvant être l’ensemble des participants du dîner” à l’exception du président et du Premier ministre pour “mise en danger de la vie d’autrui”.

Contacté par Capital, l’avocat des plaignants exprimait son désappointement : “Non seulement nos gouvernants se fichent royalement de la règle des 6 personnes à table, mais en prime, ce dîner n’entrait pas dans le cadre des dérogations prévues au couvre-feu : il n’avait rien d’urgent et une visioconférence aurait pu s’y substituer”. “La question que soulève ce dîner, c’est l’égalité devant la loi et l’exemplarité des gouvernants, qui imposent aux citoyens des règles strictes”, rappelait l’avocat, citant l’exemple “d’une jeune fille de 20 ans poursuivie pour “mise en danger de la vie d’autrui car elle a fait la fête avec des amis pendant le couvre-feu”.

 

3.2 – Le Premier Ministre Jean Castex

Comme le rapporte Le Figaro du 25/09/2020, « la séquence n’a pas duré plus de trente secondes et tient en deux phrases. Une question de France 2, « Avez-vous téléchargé StopCovid ? », et une réponse du premier ministre, « Je ne l’ai pas fait ». Les explications de Jean Castex pour se justifier (« je ne prends plus le métro »), n’y changeront rien. Le mal est fait. Le chef du gouvernement n’a pas téléchargé StopCovid.

On apprendra que Marlène Chiappa et Eric Dupont Moretti non plus.

La conséquence est simple comme l’exprime le titre de l’article du Figaro :

L’application StopCovid a été tuée en une phrase.

Après une telle séquence, des injonctions en boucle et les millions d’euro de publicité n’y suffiront pas : les Français ne souhaiteront pas télécharger une application que les hommes politiques de premier plan jugent inutile.

 

3.3 – Du côté des Ministres et des représentants de l’Etat

Bayrou sans masque

Le mercredi 20 janvier 2021, le Haut-commissaire au Plan François Bayrou a été photographié sans masque de protection à l’intérieur de l’aéroport d’Orly, dans le Val-de-Marne.

La polémique a immédiatement enflé sur les réseaux sociaux.

Joint par téléphone, François Bayrou explique que la photo a été prise mercredi matin à la zone d’embarquement de l’aéroport de Paris Orly alors qu’il s’apprêtait à monter à bord d’un vol Paris-Toulouse.

J’ai pris un café, et j’ai oublié de remettre mon masque pendant une durée de quelques minutes, le temps que je m’en rende compte. Et j’étais à plusieurs mètres des autres passagers.

Également jointe par téléphone, une femme explique être l’auteur de cette photo. Selon elle, le maire de Pau est resté sans masque « une dizaine de minutes ». « Il n’avait pas le masque dans les mains en tout cas, témoigne-t-elle. Nous, on nous a rappelé plusieurs fois de bien remonter le masque. Lui, aucun agent n’est venu le voir« .

Ce n’est pas la première fois que le président du Modem est épinglé pour non-port du masque. Il s’était présenté sans masque à Biscarrosse dans les Landes mardi 8 septembre 2020, lors d’une conférence de presse dans une salle bondée.

 

Bruno Le Maire sans masque

Comme le confirme La Voix du Nord le 08 mars 2021, le ministre Bruno le Maire a bien été pris en photo sans masque dans le train. Un cliché amateur qui circule sur les réseaux sociaux, montre le ministre de l’Économie assis en train de lire le journal dans l’Intercités Paris-Vichy du vendredi 5 mars, sans masque.

Bruno Lemaire faisait le trajet ce jour-là pour des visites liées à la relance de l’économie dans le Bassin de Vichy, où l’on reconnaît le même costume que celui des photos. Contacté, le ministère de l’Économie nous répond : « C’est effectivement une photo prise ce vendredi matin dans un train parti à 7 h de Paris pour Vichy, à un moment où le ministre se restaurait. Vous pouvez noter sur la photo des madeleines, une bouteille d’eau et un café ».

 

Le commissaire et le vice-procureur

Le 30 janvier 2021, un vice-procureur de Carpentras et le commissaire de Carpentras ont été contrôlés samedi 30 janvier dans un restaurant. Membre du Conseil supérieur de la magistrature et délégué de l’USM, l’Union syndicale des magistrats, le magistrat était à l’intérieur de l’établissement avec le commissaire de police.

L’USM, l’Union syndicale des magistrats, explique que son délégué « n’a pas déjeuné, il a récupéré un click and collect « . Le syndicat pointe le « sensationnalisme » du ministère et s’interroge sur « la délation gratuite, nouveau mode de communication ? »

Le lundi 1er février matin, sur France Inter, le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, a annoncé qu’il avait demandé au directeur général de la police nationale « dès [dimanche] soir » de « suspendre et de retirer de son poste de commandement », un commissaire de police du sud de la France surpris « manifestement » dans un restaurant clandestin. « Pour être respecté, il faut être respectable« , a-t-il justifié. Il y a « un devoir d’exemplarité de tous« .

Le 11 février 2021, Le Point relatait que le parquet a classé sans suite le dossier. Selon nos informations du Point, le fait que le procès-verbal initial d’infraction qui a constaté les faits dans un restaurant du centre-ville de Carpentras n’était pas signé et l’utilisation non conforme des caméras de vidéoprotection ont vicié la procédure. Les règles du Code de procédure pénale n’ayant pas été respectées, le parquet de Nîmes n’a eu d’autres choix que de procéder au classement sans suite.

Néanmoins, contrairement aux dénégations initiales du magistrat soutenues par son syndicat dans un communiqué, le vice-procureur est entré dans l’établissement non pas seulement pour récupérer deux bouteilles de vin précommandées, mais aussi pour y consommer des « assiettes conviviales », selon l’expression utilisée par le restaurateur lui-même lors de son audition.

Nous avons là un triste cocktail de manquements à l’exemplarité :

  • Des fonctionnaires assermentés en charge de la bonne application des lois coercitives, pris en flagrant délit
  • Le mensonge du syndicat
  • La promesse non tenue du ministre de l’Intérieur
  • L’impunité de tous pour faute procédurale

Comme l’exprime Florian Filippot dans un twitt :

En revanche on est impitoyables avec les jeunes qui font des soirées, les clients et automobilistes à 18h02…Le covidisme est aussi une société de castes et de privilèges !

 

3.4 – Les autres acteurs de la crise

Le mercredi 03 mars 2021, le Canard Enchainé soulève un nouveau scandale. Une vingtaine de personnes, journalistes de BFMTV entourés de leurs experts de l’AP-HP, qui sonnent le tocsin à longueur d’émission en le doublant généreusement d’un cours de bonne moralité à destination des sans-dents, sur ont été pris en flagrant délit de « restauration » dans un établissement clandestin à proximité de la chaîne de télévision. Quelle crédibilité leur accorder désormais ?

4 – A l’étranger

4.1 – Le triste exemple de Ferguson, l’influenceur des confinements français et anglais

Le 5 mai 2020, le Daily Telegraph évoquait le scandale concernant l’un des principaux conseillers scientifiques du gouvernement, poussé à la démission. Celui qui plaidait pour un confinement très strict de la population a reconnu… avoir accueilli chez lui sa maîtresse en pleine épidémie de coronavirus.

« Faites ce que je dis, mais pas ce que je fais. » L’épidémiologiste britannique Neil Ferguson était l’un des plus fervents défenseurs d’un confinement très strict de la population en raison de l’épidémie de Covid-19 au Royaume-Uni. On le surnommait même « professeur confinement » (Professor Lockdown).

Pourtant, selon le Daily Telegraph, il a fait venir chez lui sa maîtresse à deux reprises. Au mépris des règles de distanciation sociale qu’il avait lui-même réclamées haut et fort. Sa modélisation de l’évolution de l’épidémie a d’ailleurs convaincu le Premier ministre Boris Johnson de confiner 65 millions de citoyens.

C’est sur la base de ces mêmes estimations que le Conseil scientifique français militait également en faveur de confinements stricts en France, comme l’évoque L’Obs du 09 avril 2020 :

« Jusqu’à 500 000 morts, si l’on ne fait rien » : telle est la prédiction alarmiste de Ferguson qui est présentée le 12 mars à Emmanuel Macron. La fermeture des écoles est annoncée le soir même. Impossible de connaître le détail de ce chiffrage, il n’est pas public, il a fait seulement l’objet d’une « communication personnelle » via le conseil scientifique Covid-19.

 

5 – Quelques éléments de réflexion

Ces quelques exemples en disent long sur l’état d’esprit de ceux qui nous gouvernent : « Faites ce que je dis mais pas ce que je fais » car « je suis au-dessus du peuple ».

On a pu entendre ici ou là que l’erreur ou l’oubli étaient humains. C’est vrai. Mais il faut dans ce cas une réciprocité de la clémence.

Et c’est hélas rarement le cas, comme en témoigne cet exemple poignant et symptomatique : en Bretagne, des villageois assistant à l’enterrement de l’un des leurs, se font verbaliser sans ménagement par une police peu disposée à la clémence…

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