Le conseil scientifique a été créé au tout début de la crise par le Président Macron, de manière redondante avec les organismes déjà existants et sans base légale indiscutable. Installé à l’Elysée, ce conseil était composé d’un cénacle de personnes auto-cooptées se connaissant bien, issues de l’AP-HP ou de l’Inserm pour la plupart, ou ayant pour certains, une forte proximité, y compris financière, avec les laboratoires pharmaceutiques, jetant un soupçon légitime de conflit d’intérêt. D’un côté, l’exécutif s’est appuyé sur lui, en se dédouanant, instrumentalisant ainsi la Science, pour prendre des décisions qui se sont révélées catastrophiques pour le pays, comme le confinement, les couvre-feux ou l’imposition des états d’urgence. De l’autre côté, le Conseil s’est toujours positionné comme un organisme purement consultatif, alors même que ses avis étaient rédigés comme des oukases à destination d’un peuple récalcitrant et immature. Ce Conseil Scientifique a été critiqué à de multiples reprises, que ce soit dans sa composition, dans son mode de gouvernance, opaque et illégal, ou dans ses avis qui sortent régulièrement de son champ d’expertise et de légitimité. Le jour venu, les membres du Conseil Scientifique devront à titre individuel rendre des comptes aux français.


Argument détaillé

 

1 – Mission, composition et fonctionnement

1.1 – Mission

En dépit des ressources non négligeables des agences sanitaires en expertise scientifique, le Gouvernement a privilégié la création de structures ad hoc afin de le guider dans sa prise de décision dans la gestion de la crise sanitaire.

À la suite de signaux d’alerte transmis à la présidence de la République par le Pr Jean-François Delfraissy à son retour d’une réunion de l’organisation mondiale de la santé (OMS), une réunion multidisciplinaire de 24 scientifiques s’est tenue au palais de l’Élysée le 5 mars 2020.

Installé officiellement à l’Elysée le 11 mars 2020 par le ministre des solidarités et de la santé à la demande du Président de la République, le comité de scientifiques chargé d’éclairer la décision publique dans la gestion de la situation sanitaire liée au coronavirus, plus connu sous l’appellation de « conseil scientifique », a vu son existence législative confirmée à l’article L. 3131-19 du code de la santé publique, créé par la loi du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19.

 

1.2 – Composition

Les membres du comité sont majoritairement des experts en épidémiologie et en infectiologie. Ils « ont été choisis pour leur expertise reconnue sur le sujet, dans une approche multidisciplinaire.

Les membres sont :

  • Jean-François Delfraissy : président du conseil scientifique covid
  • Laëtitia Atlani-Duault : anthropologue
  • Daniel Benamouzig : sociologue
  • Lila Bouadma : réanimatrice
  • Simon Cauchemez : modélisateur
  • Pierre-Louis Druais : médecine de Ville
  • Franck Chauvin : médecin de santé publique
  • Marie-Aleth Grard : milieu associatif
  • Aymeril Hoang : spécialiste des nouvelles technologies
  • Arnaud Fontanet : épidémiologiste
  • Bruno Lina : virologue
  • Denis Malvy : infectiologue
  • Yazdan Yazdanapanah : infectiologue
  • Didier Raoult : infectiologue, médecin, chercheur et spécialistes des Coronavirus. Il a fait partie du Conseil scientifique au tout début puis a décidé de s’y retirer.

Le 17 février 2021, quatre nouveaux membres ont rejoint le Conseil scientifique :

  • Catherine Chirouze : infectiologue, cheffe du service des maladies infectieuses au CHU de Besançon (Doubs),
  • Olivier Guérin : gériatre, chef du pôle gériatrie du CHU de Nice (Alpes-Maritimes) et président de la Société française de gériatrie et de gérontologie,
  • Angèle Consoli : pédopsychiatre, exerce à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris
  • Thierry Lefrançois : vétérinaire

 

1.3 – Fonctionnement

Le comité se réunit physiquement ou par téléphone tous les jours » depuis le 11 mars 2020. « Totalement indépendant », il peut être saisi par le ministère de la Santé, mais aussi s’auto-saisir d’une question. Le comité s’appuie aussi sur des travaux de chercheurs étrangers, parfois non publiés, et reçoit aussi des invités extérieurs.

Le Conseil scientifique sera dissous quand l’état d’urgence sanitaire prendra fin. En France, il était prévu que celui-ci se termine officiellement le 10 juillet 2020, mais avec la reprise de l’épidémie observée en juin, le Conseil scientifique a continué d’officier auprès du gouvernement.

 

1.4 – La formulation d’avis

Le Conseil scientifique a produit 32 avis de sa création jusqu’à la date du 13 janvier 2021, portant sur tous les sujets de la crise : vaccins et variants, prorogation de l’état d’urgence sanitaire, reprises épidémiques, la gestion de la fin d’année, stratégie de tests, deuxième vague, outils numériques pour lutter contre le virus, modalités d’isolement…

L’ensemble de ses avis sont rendus publics. Il a aussi produit quatre notes, relatives à la situation des établissements hébergeant des personnes âgées dépendantes (EHPAD), aux enfants dans le contexte de réouverture progressive des écoles et la prorogation de l’état d’urgence sanitaire, et à la conservation des données dans le cadre de l’article 2 du projet de loi organisant la sortie de l’état d’urgence sanitaire.

 

1.5 – Le Comité Care

En complément du conseil scientifique, notons la création du CARE, Comité analyse recherche et expertise, créé le 24 mars 2020 par le Gouvernement français afin de le conseiller dans la lutte contre la pandémie de maladie à coronavirus en cours dans le pays et plus spécifiquement sur les traitements et les tests contre le SARS-CoV-2. Il est constitué de douze personnalités scientifiques et médecins. Le CARE travaille avec le conseil scientifique constitué. Certains membres appartiennent aux deux comités. On peine à comprendre la complémentarité de ces deux conseils.

  • Françoise Barré-Sinoussi, virologue, Présidente
  • Jean-Philippe Spano, professeur d’oncologie médicale, chef de service du département d’Oncologie médicale, à l’Hôpital de la Pitié – Salpétrière à Paris.
  • Yazdan Yazdanpanah, infectiologue à l’AP-HP, également membre du conseil scientifique
  • Franck Molina, bio-informaticien, directeur de l’unité mixte de recherche Sys2Diag (CNRS, ALCEN)
  • Dominique Valeyre, Pneumologue à l’AP-HP
  • Bertrand Thirion, chercheur à l’INRIA et modélisateur du cerveau
  • Sylviane Muller, immunologiste, directrice de recherche au CNRS et lauréate de la médaille de l’innovation 2015.
  • Laëtitia Atlani-Duault, anthropologue, également membre du conseil scientifique.
  • Marie-Paule Kieny, virologue, vaccinologue, directrice de recherche à l’Inserm et présidente du conseil d’administration de la Drugs for Neglected Diseases initiative (DNDi).
  • Muriel Vayssier, microbiologiste française spécialiste des agents pathogènes transmis par les tiques, membre de l’INRA (Institut national de la recherche agronomique). .
  • Marc Lecuit, dirige l’Unité de Biologie des Infections à l’Institut Pasteur et l’Inserm (U1117)
  • Christophe Junot, ingénieur-chercheur, directeur d’un département à l’Institut des sciences du vivant Frédéric-Joliot du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives

 

2 – Un biais de constitution d’une équipe controversée

Le jeudi 25 juin 2020, le député LR Julien Aubert et membre de la mission d’information sur la gestion de la crise du coronavirus, expliquait sur Franceinfo : « Ce que nous devons percer, c’est de savoir si, dans la composition du comité scientifique, il y a eu un biais ».

Quatre reproches principaux ont été adressés à ce conseil, dans la façon dont il a été constitué :

  • Un conseil scientifique par vraiment scientifique avec des idées très orientées
  • Un conseil trop parisien
  • Un conseil manquant de compétences complémentaires
  • Un conseil insuffisamment indépendant

 

2.1 – Un conseil scientifique par vraiment scientifique

Résumant les questions du professeur Didier Raoult adressées la veille à la commission d’enquête de l’Assemblée nationale, Julien Aubert, poursuivait :

« La difficulté de ce comité scientifique, c’est qu’il n’était pas vraiment scientifique. Raoult explique qu’il y avait dedans des modélisateurs de mathématiques ou des gens qui n’étaient pas spécialisés dans la lutte contre les infections aiguës. Il a expliqué aussi que, en réalité, dans la composition, tous ces gens-là se connaissaient parce que c’était la même équipe qui avait fondée REACTing [un consortium de recherches sur les maladies infectieuses émergentes] à l’origine de [l’essai clinique européen] Discovery.

La commission d’enquête de l’Assemblée va donc chercher à « savoir si, dans la composition du comité scientifique, il y a eu un biais, c’est-à-dire qu’on n’a pas véritablement pris des gens venus d’horizons différents, mais déjà une équipe qui avait, finalement dès le début, une idée très préconçue du médicament qu’il fallait ou de la stratégie qu’il fallait, et donc il n’y avait plus de débat à l’intérieur de l’instance formée par Emmanuel Macron pour le conseiller » ».

Le professeur Raoul dans son livre « Carnets de guerre Covid-19 » expose plus précisément ses doutes :

« Ce conseil scientifique est un dérivé du conseil REACTing de l’INSERM, avec quelques représentants de l’Institut Pasteur qui ne représentent pas réellement les experts les plus performants dans le domaine des maladies transmissibles, dont le listing est facile à identifier sur le site ExpertScape Communicable Disease, ni dans le domaine des coronavirus.

Par ailleurs, il s’agit plus de gens ayant en commun l’habitude dc travailler sur le thérapeutique d’infections chroniques, comme le sida et les hépatites, pour lesquelles les méthodologies et les Stratégies ne sont pas les mêmes. Ce groupe évolue dans un écosystème commun avec les directions locales de l’industrie pharmaceutique.

D’ailleurs, je pensais que la longue habitude de beaucoup de ces experts de travailler avec les industriels, proposant eux-mêmes des solutions thérapeutiques posait un problème de fond. Ils étaient formés à une autre guerre d’un autre temps. Dans ces conditions, j’ai préféré adresser mes remarques et mes observations directement aux instances en charge.

En outre, ce conseil scientifique ne jouait pas un véritable rôle de conseil scientifique dans le sens où il n’orientait pas et ne débattait pas des appels d’offres scientifiques, ce qui ne commandait pas d’action scientifique permettant d’éclairer la décision, telles que les études systématiques, l’évaluation de l’incidence chez les enfants, l’évaluation des méthodes radiologiques telles que le scanner low-dose des poumons contre le téléthorax, le test systématique dans plusieurs endroits pour avoir une idée de l’évolution de la courbe des prélèvements positifs et des pourcentages de positifs qui sont des éléments essentiels et basiques de la surveillance des données épidémiques. En pratique, le conseil scientifique a donné des conseils virtuels mais pas mis en œuvre de stratégie scientifique, technique, pragmatique ou épidémiologique, sur le diagnostic, le traitement, le pronostic ou le suivi ».

 

2.2 – Un conseil scientifique trop parisien

Selon Charlie Hebdo (du 16 janvier 2021), « il y a encore un biais, soulevé par l’épidémiologiste Jean-François Toussaint, professeur de physiologie à l’Université de Paris : « Parmi les membres du conseil scientifique, on compte 10 Parisiens, sur 13. Par exemple, tout l’ouest de la France n’est pas représenté, cela permettrait pourtant de mieux comprendre les conséquences sociales dans des régions moins touchées par la pandémie » ».

 

2.3 – Un conseil scientifique manquant de compétences complémentaires

Autre critique émise par Jean-François Toussaint : « Il y a huit médecins dans ce conseil, mais aucun vétérinaire, alors que cela aurait permis de faire des tests plus tôt, en interconnectant les compétences ». A noter qu’un vétérinaire, Thierry Lefrançois, a intégré le conseil le 17 février 2021.

Pour Charlie Hebdo, les membres du conseil scientifique sont nommés par décret, autrement dit par simple cooptation, ce qui sous-entend une bonne part de copinage dans les critères de sélection. Pour Pierre-Henri Gouyon, un choix collégial aurait été plus judicieux :

« On aurait pu choisir par exemple un représentant des généticiens, un représentant des virologues, un représentant des épidémiologistes, etc. » Et il est vrai qu’une concertation plus large de la communauté scientifique aurait été parfaitement possible. « Cela a été fait par exemple en 2004, pour les Assises nationales de la recherche : des comités locaux ont envoyé leurs contributions au comité national. Cela s’est fait aussi dans le Grenelle de l’environnement. Que l’on s’en passe dans l’urgence du début, on peut l’admettre. Mais au fil des mois, on aurait eu le temps de mettre en place des structures de réflexion plus efficaces.

Sa composition n’est pas anodine. Prenez le confinement, personne ne conteste son utilité contre la transmission du virus. […]. Mais en raisonnant ainsi, on ne considère qu’un seul aspect des choses. Quid des effets secondaires ? C’est un autre argument développé par Pierre-Henri Gouyon : « Si on avait une plus grande diversité de spécialistes dans le conseil, et pas seulement des biologistes, mais aussi des psychologues, des économistes, des philosophes, ils auraient certainement davantage pris en compte les aspects sociaux du confinement. Ce manque de prise en compte des sciences humaines est lié à la segmentation des domaines scientifiques ».

Parmi les scientifiques remontés contre la gestion de la pandémie, on trouve aussi Jean-Michel Claverie, professeur d’immunologie et découvreur des « virus géants » :

« Il n’y a aucun spécialiste du coronavirus dans le conseil scientifique du Covid. Ce sont plus des responsables administratifs que de vrais chercheurs, et ils n’ont pas la créativité qui permettrait d’avoir de grandes idées. » Cet éminent scientifique est révolté par l’incohérence de certaines décisions : « On dit qu’il n’y a pas de contaminations dans les transports en commun, alors que ça n’a pas été étudié. On laisse les cantines ouvertes et on ferme les remonte-pentes. On ne prendrait pas ce genre de décisions si l’on se basait sur des études rigoureuses menées par de vrais chercheurs ».

Il y aurait encore bien d’autres critiques sur les rapports entre politiques et scientifiques. Laurent Mucchielli, sociologue et directeur de recherche au CNRS, pointe la question des modélisations :

« On a avancé le chiffre d’estimation de 500 000 morts du coronavirus. Mais ce genre de chiffres est issu de modèles mathématiques. Or le conseil scientifique manque de diversité. Il n’y a jamais eu de débat contradictoire avec des épidémiologistes de haut niveau, ayant des vues différentes sur la modélisation, et qui sont à la fois compétents dans les statistiques et dans le domaine dont ils parlent ».

 

2.2 – Un conseil scientifique insuffisamment indépendant

Les membres de conseil, cooptés entre eux, se connaissant bien, n’ont pas la capacité à bousculer les idées et avis de leurs camarades.

L’indépendance vis à vis des laboratoires pose également question, comme on le verra : par exemple, Yazdan Yazdanpanah, membre du conseil scientifique Covid-19 et chef du service des maladies infectieuses à l’hôpital Bichat, à Paris, a reçu, depuis 2012, pas moins de 130 000 euros de la part de l’industrie pharmaceutique, en avantages ou rémunérations…Le Professeur Yazdanpanah est par ailleurs, par exemple, directeur du consortium REACTing et président du GloPID-R, « une alliance mondiale d’organisations internationales » qui compte parmi ses membres la Fondation Bill et Melinda Gates.

On peut également noter également une trop grande dépendance au pouvoir qui ne leur laisse pas la possibilité de critiquer les décisions politiques du présent mais aussi du passé. Pierre Henri Gouyon voit ainsi dans la gestion de la pandémie une volonté d’occulter certains problèmes politiques :

« On suggère que c’est la faute des gens s’ils sont contaminés, parce qu’ils n’ont pas de bons comportements. Alors que c’est aussi la faute des gouvernants qui ont saccagé le système hospitalier. Ces dernières années, j’ai vu trois hôpitaux parisiens fermer pour des raisons économiques : le Val-de-Grâce, Saint-Vincent-de-Paul et l’Hôtel-Dieu. S’il y avait une consultation plus large autour de la pandémie, on parlerait davantage de ces problèmes ».

 

3 – Des soupçons de conflits d’intérêts avec l’industrie pharmaceutique

Selon les informations de Marianne et de Mediapart, plusieurs membres des deux conseils scientifiques sur lesquels le gouvernement se repose dans sa prise de décision auraient des liens d’intérêts importants avec des laboratoires. Par exemple, l’un d’eux s’est vu verser plus de 250 000 euros entre 2014 et 2019, selon les chiffres de la base publique Transparence santé.

En théorie, dès leur désignation, les membres du Conseil scientifique adressent au ministère de la Santé leur déclaration publique d’intérêts, et informent le président du Conseil de leurs éventuels liens d’intérêts pour chaque sujet examiné. Le président du Conseil doit être en mesure de rendre compte de tous les liens d’intérêts de ses membres. Selon le règlement intérieur du Conseil scientifique, « lorsque le conflit d’intérêts est avéré, le membre se retire et ne prend pas part aux travaux ».

 

3.1 – Les rémunérations des membres des Conseils Scientifiques

Plusieurs médias se sont penchés sur les rémunérations des membres du conseil scientifique en analyse la base de donnée

Alors que l’objectif du comité est d’être « totalement indépendant », plusieurs médecins parmi ses membres se sont vu verser personnellement plus de 250 000 € de 2014 à 2019 par différents laboratoires pharmaceutiques en rémunération de différentes interventions (conférences…). Seuls Arnaud Fontanet et Didier Raoult parmi les huit médecins initialement présents au comité n’ont perçu aucune rémunération sur cette période d’après la base Transparence Santé.

Comme on l’a vu, l’infectiologue Yazdan Yazdanpanah, membre du Care et expert auprès de l’OMS, a bénéficié depuis 2012, de 130 000 euros d’avantages ou rémunérations de la part de l’industrie pharmaceutique.

Jean-Philippe Spano, du Comité CARE, a quant à lui reçu 251 000 euros de la part des laboratoires pharmaceutiques entre 2014 et 2019.

Un article de FranceInfo du 09 juillet 2020, a réalisé une infographie dynamiques des différents revenus et avantages déclarés des membres du conseil scientifique.

 

3.2 – La justification des médias étatiques et des principaux intéressés

Alors même que ces rémunérations suscitent naturellement des questions quant à l’indépendance de ces experts, et choquaient l’opinion publique compte tenu des montants en jeu, les médias sont venus justifier et minorer le scandale.

Ainsi AFP-Factuel, dépendant directement de l’Etat se fend le 17 juillet 2020 d’un article au titre savoureux : « Les liens d’intérêts entre labos et médecins, le soupçon permanent ».

On y retrouve tous les éléments de langage des laboratoires pour continuer leur action d’influence, au cœur de leur modèle économique, qui cherche à valoriser des médicaments nouveaux et brevetés au dépend de vieilles molécules tombées dans le domaine public sur lesquelles les marges sont faibles :

  • Embrouillage sémantique : on y apprend ainsi qu’« un « lien d’intérêt » ne constitue pas forcément un « conflit d’intérêt ». Les notions sont liées mais distinctes, d’où, souvent une certaine confusion régulièrement instrumentalisée, soulignent les experts et acteurs du secteur interrogés par l’AFP ».
  • Liens obligatoires entre les laboratoires et les médecins : « il est normal qu’un expert scientifique travaille avec l’industrie pharmaceutique », de même qu’il « serait aberrant qu’un expert en œnologie ne travaille jamais avec les + pinardiers+”, pense Bernard Bégaud. De la recherche sur un médicament à sa surveillance en passant par sa mise sur le marché, « ces liens sont naturels, normaux, indispensables et ils sont assumés : la première qualité de l’expert que va rechercher un industriel, c’est sa compétence, sa connaissance du sujet”, affirme Philippe Lamoureux, directeur général du Leem, qui représente l’industrie du médicament. « Nous ne pourrions pas progresser sans travailler avec les professionnels de santé, qui eux seuls sont au contact des patients », indique aussi une porte-parole de Gilead France ».
  • Financement nécessaire de la médecine : « de son côté, la médecine a besoin de l’argent des labos, faute de financements publics suffisants. Le suisse Novartis indique à l’AFP avoir dépensé en 2019 38 millions d’euros dans la recherche et mener actuellement « plus de 100 essais cliniques » en France. « Personne d’autre que les laboratoires ne pourrait financer (la recherche) aujourd’hui », estime Stéphane Billon, économiste de la santé et à la tête du cabinet de conseils Kamedis, notant qu’un essai clinique peut coûter « entre 500.000 et 1 million d’euros », au bas mot ».
  • Minimisation des sommes perçues : « Gilead a en effet déclaré environ 28.000 euros pour Karine Lacombe entre 2013 et 2019, […]. « Sur 7 ans, ça fait 4.000 euros par an, on voit que c’est une somme extrêmement modeste », relève le Pr Lacombe, dit-elle aussi, rappelant notamment que tout est encadré par lois et règlements, que les frais types hôtels ou transports sont limités et que les « rémunérations » correspondent bien à des heures de travail ».

FranceInfo.fr a surenchérit en précisant que « la transparence n’était pas une fin en soi ».

De tels articles ont eu probablement leur efficacité puisque Karine Lacombe a fini par obtenir la Légion d’Honneur en juillet 2020.

Dans une lettre de réponse aux propos du professeur Raoult, Jean-François Delfraissy a justifié quant à lui l’existence de ces relations entre laboratoires et médecins. Ces liens d’intérêt « avec des entreprises du médicament » déclarés par certains membres du Conseil scientifique « s’expliquent notamment par la participation (…) à des activités de recherche ayant pour objectif l’innovation.

 

3.3 – Une influence de fait

Cependant, comme le rappelle le professeur Raoult, au sujet des conflits d’intérêt, il n’y a pas de repas « gratuits », reprenant la célèbre phrase de Milton Friedman, prix Nobel d’économie : « There is no free lunch ». »Quand quelqu’un vous paye un repas, il attend quelque chose de vous ».

Des chercheurs rennais ont ainsi démontré que certains liens d’intérêt n’étaient pas sans conséquences en matière de santé publique. Leur étude parue dans le British Medical Journal en 2019 a conclu que les médecins généralistes français qui ne recevaient pas de cadeaux de la part de l’industrie pharmaceutique signaient pour leurs patients des prescriptions plus efficaces et moins coûteuses que leurs collègues bénéficiant des largesses des entreprises du médicament.

C’est probablement la raison pour laquelle, rien qu’en 2018, « Big Pharma » a déboursé 1,36 milliard d’euros aux professionnels de santé, selon une enquête de la presse régionale parue en janvier 2020.

Dans l’article de l’AFP, « l’économiste de la santé Stéphane Billon pointe aussi les soupçons nés du fait que le secteur est un « petit monde où tout le monde se connaît », entre industriels, pontes de la médecine, conseillers ministériels et membres d’agences sanitaires.

«« C’est compliqué de considérer de façon très neutre une molécule alors que fondamentalement le choix aura une incidence (…) pas neutre sur quelqu’un qui, quelque part est un ami », pense-t-il, estimant qu’il ne devrait pas du tout être possible, quand a travaillé dans un labo, d’aller dans une administration publique.

Et laisser les industriels financer une grosse part de la recherche peut avoir pour effet, selon lui, de voir arriver sur « le marché des médicaments qui n’apportent pas forcément un plus par rapport » à ce qui existait déjà.

D’où la nécessité, conclut Bernard Bégaud, d’une « étanchéité quasi-totale » entre labos et agences d’évaluation ».

On est loin d’une telle étanchéité aujourd’hui !

 

3.4 – Des contrôles inexistants

Comme le souligne AFP-Factuel, en théorie :

« « Les informations contenues dans la base de données publique Transparence – Santé sont issues de déclarations réalisées par les entreprises. Elles sont mises à jour sur le site deux fois par an et y restent accessibles pendant cinq ans », est-il précisé sur Transparence-Santé. Les scientifiques appelés à des fonctions publiques (agences sanitaires par exemple) doivent en outre remplir une déclaration publique d’intérêts.

Sauf que, comme le confirment les acteurs du secteur, la base Transparence est incomplète, très complexe, quasiment illisible, comme a pu le constater l’AFP elle-même en effectuant ses recherches.

Et si l’omission volontaire de déclarations par les industriels est passible d’amende, difficile de savoir qui en contrôle le contenu. « Les entreprises sont responsables de l’exactitude des contenus publiés », est-il précisé sur le site internet de la base.

Interrogée sur cette question du contrôle, la Direction générale de la Santé n’a pas donné suite. Fin 2019, la Cour des comptes regrettait en outre « un contrôle lacunaire des relations entre médecins et industrie » par le Conseil de l’Ordre malgré quelques améliorations depuis 2011.

Quant aux déclarations publiques d’intérêts que doivent remplir certains experts pour siéger dans certaines instances publiques, comme la Haute autorité de santé, leur contrôle là encore est flou. « La HAS ne peut pas garantir l’exhaustivité et la véracité de ce que déclarent les experts. Nous sommes une institution à caractère scientifique, nous n’avons pas de pouvoir d’investigation dans ce domaine », avait indiqué l’institution à l’AFP en 2018 après une plainte de l’association Anticor pour « prise illégale d’intérêts » contre des experts ».

Nous voilà rassurés. Les chiffres ainsi collectés pour les membres du Conseil Scientifique sont ainsi probablement largement en deçà de la réalité.

 

3.5 – Quelle influence concernant le Conseil Scientifique ?

Le conseil scientifique a systématiquement privilégié des médicaments coûteux brevetés par des laboratoires et négligé voire rejeté les anciennes molécules, peu coûteuses, dont les effets négatifs étaient parfaitement connus.

C’est ce qu’évoque le professeur Raoult dans son livre « Carnets de guerre Covid-19 » :

« Le biais initial pris de ne tester que le remdesivir ct le lopinavir, et pas la chloroquine ct l’hydroxychloroquine, dans l’essai Discovery, n’était déjà pas licite au moment de cette décision qui n’a pas été discutée au conseil scientifique. Les seuls médicaments pour lesquels la Chine avait communiqué, pour lesquels il y avait des données in vitro (au laboratoire) étaient la chloroquine et le remdesivir rapportant une efficacité clinique de la seule chloroquine publiée depuis ».

Déjà à la mi-mars, le professeur Yazdanpanah avait déjà fait le choix des produits potentiellement efficaces, à savoir le Kaletra (traitement à base de lopinavir et de ritonavir, développé pour le VIH et fabriqué par AbbVie) avec ou sans interféron, et le remdesivir (traitement développé par Gilead pour Ebola).

D’un point de vue scientifique, « avoir la solution avant de connaitre la maladie » est une position surprenante, pour ne pas dire inquiétante, d’autant plus que l’option Kaletra s’est déjà révélée décevante dans le passé. Elle le sera à nouveau quelques semaines plus tard contre la Covid-19.

« Il n’y a pour l’instant qu’un seul médicament dont nous pensons qu’il pourrait avoir une réelle efficacité. Et c’est le remdesivir. » Cette déclaration de Yazdan Yazdanpanah est d’autant plus questionnable éthiquement quand on sait que le directeur du consortium REACTing a des liens d’intérêts personnels avec les 2 laboratoires pharmaceutiques, AbbVie et Gilead, et qu’il a même conduit des études sur le VIH pour le compte d’AbbVie.

 

3.6 – Une critique sévère de l’Assemblée nationale

Le second rapport d’information (p339) du 8 décembre 2020, fait au nom de la mission d’information de l’Assemblée Nationale sur « l’impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l’épidémie de Coronavirus-Covid-19 », dans la bouche du député Joachim Son-Forget, est très sévère sur le Conseil Scientifique quand il évoque du Lancet Gate, le scandale de la frauduleuse étude qui a conduit à l’interdiction définitive de l’hydroxychloroquine et à l’arrêt des études en cours :

 

4 – De nombreux questionnements

4.1 – Une base légale discutable…

Le 16 avril 2020, une pétition sur « l’urgence des libertés », signée par une trentaine de juristes, magistrats ou professeurs de droit pointe l’absence de base légale, alors que des comités scientifiques légalement constitués existaient : Santé publique France, la Haute Autorité de santé, le Haut Conseil de la santé publique…

 

4.2 – …face aux autres agences sanitaires légitimes et expertes

Comme le note le rapport du Sénat « Pour un nouveau départ – Leçons de l’épidémie de covid-19« , le système français d’agences sanitaires comprend une grande variété d’opérateurs chargés de produire une expertise scientifique et de conseiller les pouvoirs publics dans les champs de la veille et de la sécurité sanitaire. Ces agences sont notamment :

  • L’agence nationale de santé publique (ANSP), plus communément désignée par l’appellation « Santé publique France », est chargée, dans le cadre d’une approche populationnelle, d’assurer, notamment par la centralisation du recueil de données épidémiologiques, la veille sur les risques sanitaires menaçant les populations, de préparer la réponse aux menaces, alertes et crises sanitaires et de lancer l’alerte sanitaire.
  • La Haute Autorité de santé (HAS) est chargée, dans le cadre d’une approche médicale, de conseiller les professionnels de santé sur les stratégies diagnostiques et thérapeutiques les plus efficientes, notamment en définissant des protocoles de prise en charge des patients pour une pathologie déterminée, accompagnés, le cas échéant, de listes des produits de santé à utiliser préférentiellement.
  • L’agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) est chargée, dans le cadre d’une approche de sécurité sanitaire, d’évaluer les bénéfices et les risques liés à l’utilisation de produits de santé, dont les médicaments et les dispositifs médicaux, et d’autoriser les protocoles de recherche clinique interventionnelle, c’est-à-dire impliquant l’expérimentation de traitements ou de protocoles thérapeutiques comportant une intervention sur la personne s’écartant des protocoles de prise en charge standards.
  • Le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) est chargé, dans le cadre d’une approche d’aide des pouvoirs publics à la décision, « de fournir aux pouvoirs publics, en liaison avec les agences sanitaires et la Haute Autorité de santé, l’expertise nécessaire à la gestion des risques sanitaires ainsi qu’à la conception et à l’évaluation des politiques et stratégies de prévention et de sécurité sanitaire ».

Selon le rapport du Sénat, la consultation de ce Conseil scientifique s’est faite au détriment des autres agences, qui ont pourtant l’habitude de produire une expertise scientifique indépendante et pluraliste sur différents enjeux sanitaires. Plusieurs d’entre elles ont en effet institué, en interne, des conseils scientifiques ou des commissions, comités ou groupes de travail spécialisés, à titre temporaire ou permanent, et disposent donc à ce titre d’importants relais auprès des sociétés savantes et des milieux scientifiques et universitaires.

Cela a également occasionné un déficit de coordination préjudiciable à la bonne gestion de la crise. Un comité d’animation du système d’agences (CASA) aurait pu permettre une intensification du travail collaboratif entre les agences sanitaires afin de capitaliser sur leur expertise et de maximiser la pertinence et la réactivité de leur interventions respectives.

En effet, leur mobilisation coordonnée, compte tenu de la complémentarité de leurs champs de compétences respectifs, aurait permis de faire naître une expertise transversale capable de couvrir l’ensemble des enjeux qui s’attachent à la gestion de la crise sanitaire : évaluation de la connaissance scientifique et des nouvelles données sur le coronavirus et les pathologies associées (HCSP, HAS), évaluation de la sécurité et de la pertinence des stratégies diagnostiques et thérapeutiques (HCSP, HAS, ANSM) ou encore gestion des risques et de l’exposition en milieu de travail (ANSéS, Santé publique France, HAS) et élaboration de protocoles de prévention des risques dans différents secteurs d’activité (HCSP, Santé publique France, ANSéS).

 

4.3 – Une gestion centralisée, verticale, et autoritaire

Dans son premier rapport d’information du 3 juin 2020, l’Assemblée nationale pointait du doigt le conseil scientifique :

« De manière générale, l’épidémie de Covid-19 doit nous interroger collectivement sur le poids, la rigidité et la lenteur de l’administration et son incapacité à anticiper les situations de crise, prendre rapidement les décisions qui s’imposent, et s’assurer de leur mise en œuvre sur le terrain. […]

Sur cet aspect, nous pouvons nous interroger sur le rôle du conseil scientifique et le poids de ses avis dans la prise des décisions. Surtout, la concentration des décisions aux seules mains du président de la République doit être questionnée, et mise en perspective avec l’action des collectivités locales plus agiles que l’Etat. Ces constats doivent nous inciter à procéder à une indispensable décentralisation de nos politiques publiques pour les rendre davantage efficaces ».

Dans son second rapport d’information, l’Assemblée nationale évoquait le conseil scientifique comme l’un des outils clés de l’exécutif responsable de cette gestion autoritaire :

« Dès le départ, la gestion de la crise sanitaire s’est concentrée sur un faible nombre d’acteurs et de personnes, révélant un affaiblissement sans précédent de notre système démocratique. […] Le Président de la République s’est doté d’un Conseil scientifique ad hoc pour éclairer ses décisions sans que personne n’ait un droit de regard sur sa composition. La publication de ses avis est par ailleurs laissée à la libre appréciation de l’exécutif ».

 

4.4 – Des missions floues

Le rapport du Sénat évoque une insuffisante formalisation du périmètre et des missions du Conseil scientifique, qui ont contribué à fragiliser la portée du discours scientifique sur lequel s’appuient les décisions de gestion de la crise :

« L’article L. 3131-19 du code de la santé publique ne définit pas précisément les missions du conseil scientifique et se contente de délimiter le champ de ses avis, appelés à porter « sur l’état de la catastrophe sanitaire, les connaissances scientifiques qui s’y rapportent et les mesures propres à y mettre un terme, y compris celles relevant des articles L. 3131-15 à L. 3131-17641(*) [du même code], ainsi que sur la durée de leur application ». Aucun décret ou arrêté n’est venu préciser les missions, le fonctionnement ou la composition du conseil scientifique. Un règlement intérieur du conseil scientifique, adopté le 15 avril 2020 et rendu définitif le 30 avril 2020, rappelle que le conseil a pour mission de « donne[r] des avis sur l’état de la crise sanitaire et les mesures envisagées pour y faire face » et lui reconnaît, en complément des saisines qui lui sont adressées par le Gouvernement, un pouvoir d’auto-saisine sur les « sujets portant sur l’urgence sanitaire qui lui paraissent primordiaux pour lutter contre la catastrophe sanitaire ».

[…] Par ailleurs, bien que chacune des trois structures d’expertise scientifique ad hoc mises en place par le Gouvernement [intégrant en plus le CARE – comité CARE « analyse, recherche et expertise » et le comité scientifique sur les vaccins covid-19) soient soumises à la charte de l’expertise sanitaire, l’insuffisante formalisation de leur fonctionnement peut contribuer à alimenter des doutes sur leur indépendance vis-à-vis du pouvoir exécutif et sur la transparence de leurs activités, et conduire à un déficit de légitimité du discours scientifique sur lequel s’appuient les décisions de gestion de la crise ».

 

4.5 – Des échanges stériles et inefficaces

Le mercredi 24 juin 2020, dans son audition à l’Assemblée nationale, le Pr. Raoult a expliqué les raisons de son départ du Conseil Scientifique :

« Ca n’est pas un vrai conseil scientifique. Je ne fais pas de présence, je n’ai pas le temps. Un conseil scientifique, pour moi ça n’est pas une bande de types qui a l’habitude de travailler entre eux, et qui discutent. Pour moi, un conseil scientifique, ce sont des données et encore des données (…) Il n’y avait pas un seul spécialiste français du coronavirus parmi eux ».

Dans une interview sur Paris Match, il enfonce le clou :

« Vous avez siégé au conseil scientifique crée par le gouvernement. Pourquoi l’avoir quitté brutalement ?

On ne peut pas mener une guerre avec des gens consensuels. Le consensus, c’est Pétain. Insupportable. On ne peut pas décider de cette manière. Ces personnes ne savaient pas de quoi elles parlaient ! Et chacun poussait ses billes en avant. Il fallait faire plaisir, représenter l’Institut Pasteur, l’Inserm, etc. Il n’y a rien de fiable scientifiquement là-dedans. De mon côté, j’ai fait ce qu’il fallait faire en créant l’infectiopôle, je suis prêt et organisé. En 2003, j’ai écrit un rapport sur les risques épidémiques, tiré de mes observations sur la réaction chinoise face à l’épidémie du Sras. Ici, en vingt ans, ils n’ont rien appris. Résultat, personne ne sait tester le coronavirus. Cela, Emmanuel Macron le sait très bien ».

 

4.6 – Un système opaque, illégal et antidémocratique des prises de décisions

À la suite d’une requête de Maître Clarisse Sand, la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA) reconnaît qu’il n’existe aucun enregistrement ou compte rendu des séances du Comité scientifique Covid-19 qui propose au gouvernement les mesures liées à la crise sanitaire. Le Conseil scientifique est pourtant tenu par la loi de garder une trace vidéo et audio de ses échanges. De même, aucune liste des experts sollicités n’est accessible, contrairement à ce que prévoient la loi et le règlement.

Le député Julien Aubert avait remonté ce point à l’Assemblée Nationale. Il s’explique pour Boulevard Voltaire :

« En réalité, cela veut dire que certaines décisions qui impactent des dizaines de millions de Français font l’objet d’une chaîne d’opacité. Vous partez d’une instance ad hoc créée pour les besoins par le président de la République arbitrairement et souverainement – le Comité scientifique – alors qu’il existe des autorités administratives indépendantes. Des experts et le président ont été choisis sur je ne sais quel critère. Il n’y a aucune trace des décisions. On ne sait donc pas si les recommandations du Conseil scientifique sont prises à l’unanimité.

D’un côté, vous avez les institutions officielles, c’est-à-dire un gouvernement qui dirige la nation et des autorités administratives indépendantes qui donnent des avis et un Parlement qui vote des lois. Et de l’autre côté, vous avez la réalité, c’est-à-dire un Comité scientifique qui alimente une structure informelle et qui prend des décisions susceptibles de toutes responsabilités et dans la plus totale opacité ».

Face à ces remarques, le ministre de la Santé s’était défendu en disant que ces décisions étant extrêmement techniques, étaient trop pointu pour que la représentation nationale et même les citoyens puissent avoir accès à ces informations. Julien Aubert répondait :

« Nous avons quelques médecins parmi les parlementaires. Olivier Véran lui-même était parlementaire. S’il est capable d’interroger le Comité scientifique en tant que ministre de la Santé, il serait tout à fait capable d’assister à leurs échanges qui, certes, sont techniques, mais accessibles. Je fais partie du Conseil supérieur de l’énergie et je peux vous assurer que lorsqu’on discute des paramètres de soutien aux énergies éoliennes ou des coefficients d’énergie thermique, personne ne s’est posé la question de savoir si je suivais ou pas les débats.

Je sais bien que nous, les parlementaires, nous avons la réputation d’être – pardonnez-moi l’expression – un peu plus cons que la moyenne, mais en faisant des efforts, nous devrions y arriver ».

Les membres du Conseil étant bénévoles, et les réunions n’étant pas filmées, on ne sait pas comment s’élabore la décision :

  • Les membres du Conseil étant bénévoles, avec des situations différentes, on ne sait pas qui a vraiment le temps de travailler pour le Conseil ni dans quelle proportion. On peut imaginer que certains ont la latitude de passer un plein temps au Conseil Scientifique tandis que d’autres n’ont à peine qu’une demi-journée à consacrer.
  • On ne sait pas qui tient le crayon et anime les réunions du Conseil. On sait d’expérience que l’animateur ou le secrétaire, peut facilement avoir le pouvoir d’orienter les débats et donc les décisions.
  • On ne sait pas comment se déroulent les échanges, si tous les avis contradictoires sont entendus, discutés et intégrés dans la prise de décision. Si les groupes déjà formés, dont les membres se connaissent bien, ne préemptent pas abusivement la prise de parole, etc.
  • Enfin, on ne sait pas qui prépare les réunions en rédigeant des contenus qui peuvent être parfois conséquents. On pense notamment à l’avis du 20 octobre 2020 concernant « un nouvel ensemble numérique pour lutter contre le SARS-CoV-2 ». Sont-ils aidés par les fameux consultants de McKinsey ?

En tout cas, après avoir révélé l’opacité des décisions du comité scientifique présidé par Jean-François Delfraissy, maître Clarisse Sand ne pouvait pas en rester là : elle a donc déposé le 06 mars 2021 un recours devant le Conseil d’Etat afin que la plus haute juridiction administrative se prononce sur ce manque de transparence.

 

5 – Des avis contestés

Comme on l’a vu, le Conseil a produit 34 avis jusqu’en mars 2021 et en produit entre un à deux par mois.

Ces avis ont été contestés pour plusieurs raisons :

  1. Des avis orientés
  2. Des avis instrumentalisés par le politique
  3. Des avis de nature politique
  4. Des avis hors de son champ de compétence
  5. Des avis culpabilisants et infantilisants

 

5.1 – Des avis orientés

Selon le second rapport d’information de l’Assemblée Nationale, « les avis du conseil scientifique ont été une tentative d’asseoir la légitimité de la décision publique en en publiant les éléments scientifiques qui l’ont éclairée. Le Gouvernement a pu, parfois, donner l’impression de s’appuyer sur le Conseil scientifique pour justifier des décisions de nature politique, comme l’illustre la présence de son président, M. Delfraissy, au côté du Premier ministre lors de l’annonce du maintien du premier tour des élections municipales le 15 mars 2020, deux jours avant l’entrée en vigueur du confinement. L’avis du conseil scientifique du 12 mars précise cependant que « cette décision, éminemment politique, ne pouvait lui incomber » et que « si les élections se tenaient, elles devaient être organisées dans des conditions sanitaires appropriées ».

 

5.2 – L’instrumentalisation du scientifique par le politique doublé d’une dilution de responsabilité

Le gouvernement s’est souvent appuyé sur l’avis du Conseil Scientifique pour décider des mesures coercitives difficiles, en affirmant que ce dernier avait toute la légitimité scientifique pour prendre les bonnes décisions.

Ainsi, Emmanuel Macron déclarait le 12 mars, lors de sa première allocution télévisée consacrée au Covid-19 : « Un principe nous guide pour définir nos actions, il nous guide depuis le début pour anticiper cette crise puis pour la gérer depuis plusieurs semaines et il doit continuer de le faire : c’est la confiance dans la science. C’est d’écouter celles et ceux qui savent ».

Comme le rappelle Le Monde, son choix de fermer les écoles, notamment, puis de décider le confinement de la population, a été fait sur la base de leurs recommandations. « Derrière toute décision que nous prenons, il y a des blouses blanches », répétait le ministre de la santé, Olivier Véran. « Beaucoup de gens ne croient plus les politiques, donc justifier toutes nos décisions par un avis des autorités sanitaires nous redonne du crédit », estimait alors un responsable de la majorité.

Dans une tribune parue dans Le Parisien du 10 septembre 2020, 35 chercheurs, universitaires et médecins ont critiqué la communication du gouvernement sur la crise du Covid, qu’ils jugent trop anxiogène. Ils précisent entre autres :

« Nous appelons également le gouvernement à ne pas instrumentaliser la science. La science a pour condition sine qua non la transparence, le pluralisme, le débat contradictoire, la connaissance précise des données et l’absence de conflits d’intérêts. Le Conseil scientifique du Covid-19 ne respectant pas l’ensemble de ces critères, il devrait être refondé ou supprimé ».

 

5.3 – Un rôle politique du Conseil scientifique disproportionné

De l’autre côté, le conseil scientifique déclarait que ses avis étaient purement consultatifs et qu’il ne pouvait être tenu responsable de ses recommandations et qu’il revient à l’exécutif de décider.

Très tôt en effet, dès le 14 mars 2020, le Conseil scientifique met en garde contre la confusion entre le rôle du scientifique et celui du politique :

  • « La hiérarchisation des objectifs collectifs ne [peut] incomber au Conseil scientifique ».
  • « Ces avis, tout comme les précédents, laissent au gouvernement et aux autorités publiques la responsabilité de décider, d’adapter ou de préciser ces orientations, selon leurs responsabilités respectives ».(avis n°2).
  • « Dans ces conditions sanitaires exceptionnelles, et dans l’urgence, le conseil scientifique a formulé son avis en son âme et conscience, avec humilité et gravité, et dans les limites de ses responsabilités scientifiques de conseil, qui n’ont pas vocation à se substituer aux avis et décisions des institutions publiques compétentes en matière de libertés fondamentales » (avis n°2).

Pourtant, la question de la portée des décisions d’un conseil scientifique se pose régulièrement. Si le Conseil scientifique Covid-19 a régulièrement souligné l’importance de la séparation entre les analyses scientifiques et les décisions politiques, la lecture de ses différents avis montrent que ses recommandations ont pourtant rapidement dépassé un simple rôle d’éclairage et prennent souvent la forme de pré-décisions du ressort du politique.

Dans une tribune parue sur le Blog de Médiapart le 18 octobre 2020, Rubing Shen et Victor Vermès ont fait une analyse critique des avis du Conseil scientifique à l’aune de cette confusion des genres.

Les auteurs notent que, « dès l’avis du 16 mars, ses avis comprennent une liste de mesures prêtes à être validées, mais peu d’analyse de la situation et des impacts de ces mesures.

Les formulations sont en premier lieu impératives :

« Seules doivent persister les activités strictement nécessaires à la vie de la Nation”, “Toutes les autres activités doivent être réorganisées notamment sous la forme de télétravail”, et la “décision [de confinement] à l’échelle nationale a notamment pour objectif de limiter les mouvements de population”. Les avis du Conseil scientifique ne prennent plus la forme d’éclairage scientifique, mais des propositions de décisions politiques, en contradiction avec ses propres mises en garde. Un autre exemple révélateur se trouve dans l’avis du 23 mars : “Le confinement durera vraisemblablement au moins six semaines à compter de sa mise en place”. Le Conseil Scientifique y expose une certitude sur des éléments dont il n’est pas décideur ».

Au-delà des simples avis, nous avons vu régulièrement son Président Delfraysy dans les médias déclarer de manière autoritaire un grand nombre d’injonctions, comme si les avis du Conseil Scientifique étaient des décisions politiques qui ne pouvaient souffrir la moindre contradiction ni la moindre opposition.

Les formulations sont également orientées et unilatérales, sans analyse de jeux de scénarios avec des alternatives et une analyse d’impact, que l’on retrouve usuellement lorsqu’il s’agit d’orienter des décisions. Les auteurs précisent ainsi :

« Si ces mesures peuvent être légitimes d’un point de vue sanitaire, confiner des citoyens ou prendre des mesures de restrictions des libertés ne peut exclusivement être tranché du point de vue scientifique. Ceci met en jeu des problèmes qui dépassent la question de la propagation de l’épidémie, tels que l’économie, le lien social, l’isolement des individus. Les formulations des recommandations sont closes, les impacts épidémiologiques des mesures ne sont pas explicités. De par sa légitimité car s’exprimant au nom de la “Science”, le Conseil scientifique rend l’étude de mesures alternatives difficiles. D’autant plus que le Conseil scientifique ne prend en compte les impacts non sanitaires des mesures qu’au moyen de ses nombreux “points d’alertes” (avis du 23 mars), concernant par exemple l’impact du confinement sur les inégalités sociales. Ce sont en fait autant de points d’aveuglement non anticipés ».

Les auteurs concluent :

« La légitimité scientifique ne peut se fonder ni sur la figure du “savant”, ni sur des arguments d’autorité. Elle se construit sur des faits, des données, des hypothèses et des preuves, ainsi que des débats contradictoires mettant en avant des modèles alternatifs. Si le politique a le pouvoir et la responsabilité des décisions, le scientifique a un rôle crucial à jouer dans l’éclaircissement des décisions en analysant l’état de la situation et les impacts des différentes mesures. Mais en proposant des décisions prêtes à valider à la place du politique, le Conseil scientifique laisse naturellement la possibilité de déléguer la responsabilité politique des décisions à la “Science” et risque de nuire à la légitimité d’une démarche véritablement scientifique. Afin que la démarche scientifique puisse effectivement guider la gestion de la crise sanitaire, le Conseil scientifique doit respecter son propre règlement intérieur. Les compétences scientifiques doivent être mobilisées dans le but d’analyser les impacts potentiels des mesures, au lieu de proposer des pré-décisions politiques en absence d’analyse scientifique ».

 

5.4 – Des avis totalement en dehors de ses compétences et prérogatives

A plusieurs reprises, le Conseil se prononce sur des sujets qui ne sont pas de son ressort. Quelques exemples :

Juridique

L’avis du 8 janvier 2021 émet un avis favorable à la prorogation de l’état d’urgence jusqu’au 1er juin 2021 puis à une prorogation du régime transitoire jusqu’au 31 décembre 2021. Comment un tel comité scientifique peut-il être légitime pour se prononcer sur un régime juridique spécial ? Cet avis se justifie « au regard de la situation épidémiologique fragile actuelle et des incertitudes quant aux nouveaux variants apparus à la fin de l’année 2020, et compte tenu du caractère provisoire et proportionné des dispositions prises ». Le conseil admet ainsi qu’il est dans l’incertitude et qu’il ne sait rien : les justifications scientifiques sont totalement absentes. Il n’a pas à se prononcer sur la dimension proportionnée des dispositions prises.

Communication et stratégie d’influence

Dans son avis du 20 octobre 2020, le Conseil scientifique estime indispensable une nouvelle campagne de communication ambitieuse et nationale sur l’ensemble numérique disponible. Il est estime indispensable d’impliquer un grand nombre d’acteurs et de relais dans les efforts de communication sanitaire. Cette démarche nécessite un pilotage transversal et interministériel prenant en compte l’ensemble des institutions et acteurs à impliquer, au-delà de la seule sphère sanitaire

Restriction des libertés

Dans son avis du 20 octobre 2020, le Conseil scientifique juge que l’utilisation de l’application devrait être fortement recommandée, voire rendue obligatoire, dans ces situations notamment lorsque le risque de base est élevé comme dans les zones placées en “alerte maximale”.

 

5.5 – Une infantilisation des Français

Régulièrement, le Conseil Scientifique fait des commentaires sur le degré d’acceptation par les Français de leurs mesures coercitives, ce qui est probablement davantage le rôle de sociologues, de communicants ou de politiques. A chaque fois qu’une de leur recommandation passée ne porte pas les fruits escomptés, plutôt que de se remettre en cause, ils en imputent la responsabilité aux français, qui ne joueraient pas le jeu et qu’il faudrait éduquer davantage :

  • « Le Conseil scientifique a pris acte, comme beaucoup de Français, d’un respect très relatif des recommandations formulées à l’occasion de l’allocution du Président de la République le 12 mars. Jugeant qu’elles avaient permis de partager l’ampleur de la situation et des risques associés, le Conseil scientifique a estimé, d’une part, que les comportements de nombreux français continuaient de présenter des risques élevés de contamination au regard de la vitesse de propagation de l’épidémie, et d’autre part, que de nouvelles mesures de restriction, susceptibles d’être mieux comprises et mieux mises en oeuvre pouvaient permettre de réduire le pic épidémique, et par conséquent l’afflux de cas sévères en réanimation » (avis n°2).
  • « Le Conseil scientifique COVID-19 constate cet état de fait qui témoigne de la non-perception d’une partie de la population de la gravité de la situation » (avis n°3)

 

6 – Le choix du confinement

Il est important de se pencher sur les responsables de cette décision qui aura été totalement dramatique pour le pays.

 

6.1 – La décision du premier confinement

Dans un article du 14 mars 2021, FranceInfo a réalisé le récit de « ces 10 jours où le premier confinement s’est décidé ». On y voit le rôle important du Conseil Scientifique dans la prise de décision du confinement :

« Dans la journée, Emmanuel Macron reçoit les membres du conseil scientifique, tout juste installé. La réunion dans le grand salon de l’Élysée s’éternise. « C’est la douche froide totale », témoigne un conseiller du président. La professeure Lila Bouadma raconte les réanimations à l’hôpital Bichat. « Vous ne vous rendez pas compte de ce qui est en train de se passer », explique-t-elle. Les toutes dernières projections chiffrées sont glaçantes : « des centaines de milliers de morts » si on laisse le virus se propager dans la population. Le respect des gestes barrières semble dérisoire. « On se prend une grosse taloche », raconte un participant. Le confinement semble inéluctableDans son avis, le conseil scientifique préconise la fermeture des crèches, écoles, collèges, lycées, universités, mais aussi des gymnases, des bars et restaurants ou des discothèques et le confinement des personnes de plus de 70 ans. Emmanuel Macron veut pourtant encore se donner une chance d’éviter un confinement généralisé. Il ne suivra, qu’en partie, l’avis du conseil scientifique ».

En effet, au-delà de l’aspect émotionnel de ce qui se passait en réanimation, le Conseil Scientifique s’était appuyé sur les modèles de prévision d’Anderson et de Ferguson, avec certes des précautions d’usage : « d’un point de vue épidémiologique, le Conseil a considéré les limites des modèles mathématiques, qui dans le passé ont souvent fait des prédictions exagérées sur le taux d’attaque et le nombre de décès associés à une épidémie ». Quelques verbatims de l’avis du 12 mars 2020 :

  • « Si on laisse le virus se propager dans la population, étant donné sa forte transmissibilité, on s’attend à ce qu’au moins 50% de la population soit infectée après une ou plusieurs vagues épidémiques (Anderson et al, 2020). Pour un niveau de mortalité qui est actuellement estimé à 0.5-1%, cela correspond à des centaines de milliers de morts en France avec une surmortalité importante due à la saturation des services de réanimation (Anderson et al., 2020).
  • En l’absence de vaccin, outre les mesures barrières, la seule option est de diminuer les contacts que nous avons les uns avec les autres, pour réduire la transmission. […] Si on ferme les écoles pendant une épidémie de grippe, on ne va pas complètement stopper la transmission mais elle va être ralentie ; si bien que le nombre de malades au pic épidémique sera plus faible (Ferguson et al, 2006).
  • Mesures d’endiguement : Si l’on veut éviter la saturation des services de réanimation et la mortalité, il faut réduire encore davantage les contacts avec des mesures plus contraignantes pour que l’épidémie s’éteigne. Pour un virus comme COVID19, il faut réduire d’au moins 60% les contacts (Anderson et al, 2020) ».

Comme on le constate, il n’y a eu aucune évaluation de la balance impacts / bénéfices, qui aurait dû prendre en compte l’ensemble des impacts certains sur l’économie française, la santé psychique des Français, l’éducation, les libertés…face à des modèles hypothétiques dont les limites étaient déjà connues.

 

6.2 – Les reconductions du confinement

Lors de son 4ième avis, le Conseil Scientifique propose le 23 mars 2020 un prolongement du confinement, voire même un renforcement, en prétextant que « les effets épidémiologiques du confinement ne peuvent être observés qu’à partir d’une durée de deux à trois semaines à partir de sa mise en œuvre. Trois semaines après le démarrage du confinement sont donc nécessaires pour obtenir une première estimation de son impact ».

Dans son 6ième avis du 2 avril 2020, le Conseil propose différents critères pour apprécier les conditions de sortie du confinement. Le Conseil avait ainsi déjà bien pressenti que ce confinement pourrait être catastrophique, mais sans aller au bout de cette intuition.

  • Un premier ensemble de critères a trait à la manière dont la population comprend, accepte, respecte ou se situe par rapport au confinement, pour soi-même comme pour les autres, proches ou considérés d’un point de vue collectif.
  • Un deuxième ensemble de critères à prendre en compte se réfère aux effets induits par le confinement, dont beaucoup sont encore invisibles, qu’ils soient délétères ou plus favorables, qu’ils soient sanitaires ou plus largement sociaux, et qui doivent être mis en regard.
  • Enfin, un troisième ensemble d’éléments, moins spécifiquement pris en compte par le Comité scientifique dans le cadre de ses attributions, à dominante sanitaire, concerne les effets économiques du confinement.

Dans son 8ième avis du 20 avril 2020, le Conseil fixe les conditions de sortie du confinement et propose des scénarios de sortie.

Il précise qu’ « une adhésion de la société aux mesures strictes de confinement est difficilement acceptable dans la durée » et semble bien en comprendre le poids pour la société :

« Envisager les conditions de sortie progressive du confinement doit non seulement prendre en compte le fardeau économique du confinement, qui est considérable, mais aussi le poids que le confinement fait peser sur l’ensemble de la société, avec par exemple des difficultés de suivi d’autres pathologies, plus difficilement prises en charge dans le contexte épidémique, ou encore l’augmentation des troubles psychiques, des troubles du sommeil, des formes de violence ainsi que de la consommation de médicaments et d’alcool, etc. Le confinement pèse lourdement sur l’état général de la population et constitue une souffrance pour nombre de nos concitoyens, comme l’ont souligné de précédents avis ».

Néanmoins, le Conseil, sans l’appuyer d’aucune étude, persuadé que le confinement est efficace et qui représente le seul moyen de limiter le nombre de cas graves à l’hôpital, persiste dans son erreur et ne se penche aucunement sur les stratégies de traitement précoce, qui laisseraient les pleins pouvoirs aux médecins de ville pour agir librement.

La suite des avis prolonge ce discours qui d’un côté légitime un confinement strict, seul moyen de limiter les cas graves et de l’autre prend conscience des impacts considérables sur le pays.

 

6.3 – Un étrange silence début 2021

Depuis le 12 février 2021, le Conseil Scientifique est demeuré muet. Aucun avis publié alors même que se posaient des questions sur les variants, les vaccins et les questions légitimes qu’ils soulèvent, les mesures à continuer de prendre ou nom quant au confinement ou au maintien d’un couvre-feu.

Pourquoi ?

 

6.4 – Le changement de cap du 18 février 2021

De manière très surprenante, prenant en compte les nouveaux contexte de la crise sanitaire, avec notamment l’arrivée de variants et la lassitude de la population, et craignant peut-être d’être un jour jugés responsables d’une telle prise de décision, cinq membres du conseil scientifique, Jean-François Delfraissy, président du Conseil Scientifique, Franck Chauvin, président du Haut conseil pour la santé publique (HCSP), l’anthropologue Laëtitia Atlani-Duault, le virologue Bruno Lina et l’infectiologue Denis Malvy ont signé le 18 février 2021 une tribune dans The Lancet, invitant à cesser les politiques de confinement pour opter pour d’éventuels confinements choisis :

« Il est temps d’abandonner les approches fondées sur la peur, fondées sur un confinement généralisé apparemment aléatoire et stop-start comme principale réponse à la pandémie ; des approches qui attendent des citoyens qu’ils attendent patiemment jusqu’à ce que les unités de soins intensifs soient renforcées, que la vaccination complète soit réalisée et que l’immunité du troupeau soit atteinte.

Les populations ont jusqu’à présent été relativement satisfaites, mais leurs doutes et leur méfiance sont visibles dans les mouvements de protestation dans plusieurs pays. L’impact de l’enfermement général sur des économies entières a été dévastateur, le pire à venir étant le taux de chômage et la dette nationale.

Les conséquences sociales et sanitaires (y compris la santé mentale) sont également colossales, en particulier pour les jeunes générations, bien qu’elles soient à faible risque en termes de morbidité et de mortalité par infection par le SRAS-CoV-2 ».

6.5 – L’avis du Conseil Scientifique du 11 mars 2021 censuré par l’Elysée

Le 13 mars 2021, Le Journal du Dimanche publie une nouvelle étonnante : « Covid-19 : face au seuil d’alerte, l’avis secret du conseil scientifique » :

« Silencieux depuis plusieurs semaines, les experts (du conseil scientifique) ont envoyé jeudi 11 mars 2021 à l’exécutif un nouvel avis, long de plusieurs dizaines de pages et alimenté par les réflexions de ses nouveaux membres, gériatre et pédopsychiatre notamment. Le texte, non encore rendu public par le gouvernement, dresserait le constat d’une situation dégradée et de l’incapacité du couvre-feu à contenir un variant devenu dominant.

L’avis du Conseil Scientifique plaiderait pour des mesures de freinage plus importantes, notamment en Île-de-France, Région la plus peuplée du pays, non soumise aux confinements du week-end comme Dunkerque (Nord), le Pas-de-Calais et le littoral des Alpes-Maritimes ».

L’Elysée se refuse ainsi à rendre public un avis du Conseil Scientifique qui remet en cause l’efficacité du couvre-feu pourtant défendu bec et ongles par Jérôme Salomon, patron de la Direction Générale de la Santé (DGS).

L’Elysée cache-t-il sciemment un avis du Conseil Scientifique qui remet en cause l’efficacité du couvre-feu ou cherche-t-il à sauver coûte que coûte la tête de Jérôme Salomon, patron de la Direction Générale de la Santé qui, le 18 février 2021, a défendu bec et ongles le couvre-feu jugeant qu’il “fonctionne très bien”.

“Le couvre-feu fonctionne très bien. (…) Le couvre-feu répond bien à la problématique des rassemblements privés et intéresse d’ailleurs beaucoup nos voisins qui ont été surpris par ses effets”, avait d’ailleurs indiqué l’homme fort de la DGS, ajoutant que des mesures fortes avaient été prises.

L’étrange silence du Conseil Scientifique pourrait ainsi s’expliquer par une censure de l’exécutif, en désaccord avec lui. On comprend mieux dès lors la tribune dans le Lancet de quelques membres du conseil.

 


Liens complémentaires pour en savoir davantage


Annexes

Annexe 1 – Composition détaillée du Conseil scientifique

Jean-François Delfraissy, Président du Conseil scientifique

Jean-François Delfraissy est immunologue de formation, Président du Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé et Président du conseil scientifique de la Fondation de l’AP-HP pour la Recherche. Il a été chef du service de Médecine Interne et Immunologie Clinique à l’hôpital Bicêtre, Directeur de l’Agence nationale de recherche sur le sida et les hépatites virales (2005), Directeur de l’Institut de microbiologie et maladies infectieuses de l’Inserm, coordinateur interministériel chargé de la lutte contre Ebola en France et en Afrique (2014), professeur à la faculté, Président du conseil scientifique du Sidaction, expert ONUSida (c’est un spécialiste renommé du VIH).

Olivier Guérin, gériatre

Olivier Guérin, est chef du pôle gériatrie du CHU de Nice et président de la Société française de gériatrie. Outre sa pratique de la médecine, il a été de 2014 à 2020 adjoint au maire de Nice, délégué à la Santé, à l’autonomie et à la silver économie (l’économie liée aux seniors). Il a été également conseiller métropolitain, en charge donc des sujets liés à la santé, la prévention, l’autonomie mais aussi l’innovation.

En décembre dernier, le Niçois avait déclaré au Point qu’il fallait « accélérer la campagne française de vaccination en la rendant accessible plus vite que prévu au personnel soignant ».

Angèle Consoli, pédopsychiatre

Angèle Consoli est pédopsychiatre à l’hôpital parisien de la Pitié-Salpêtrière. Le monde médical a alerté sur une augmentation des hospitalisations des enfants et adolescents. Début février, les urgences hôpital Necker ont indiqué qu’ils avaient deux fois plus de suicides chez les jeunes. Mercredi, cette pédopsychiatre a estimé que sa nomination est « un message très fort qui montre l’intérêt majeur porté (…) à tous ceux, éprouvés psychologiquement par cette pandémie qui dure ».

Cette pédopsychiatre étudie la bipolarité chez les adolescents et les traitements médicamenteux en psychiatrie infantojuvénile. En janvier 2019, Angèle Consoli faisait partie des signataires de l’alerte lancée par 1000 médecins sur la crise de l’hôpital.

Thierry Lefrançois, vétérinaire

Thierry Lefrançois est vétérinaire de formation et chercheur au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad) de Montpellier. Ce professionnel est favorable depuis le début de la crise du coronavirus à la création d’un collectif d’experts mondiaux, qui lierait la santé humaine, la santé animale et l’environnement. Mercredi, Thierry Lefrançois a d’ailleurs jugé important d’« associer le secteur de la santé humaine, animale et de l’environnement » pour lutter contre la pandémie.

Le ministère de l’Agriculture a salué ce choix dans un communiqué : « Les dernières décennies ont été marquées par des crises sanitaires qui ont souvent mis en évidence l’interdépendance entre l’animal, l’humain et les écosystèmes ».

Catherine Chirouze, infectiologue

Catherine Chirouze est professeure d’université et cheffe du service des maladies infectieuses et tropicales au CHU de Besançon (Doubs). Cette infectiologue exerce depuis 24 ans et a pu s’exprimer, dans le passé, sur la maladie de Lyme. Elle collabore avec l’Inserm. En novembre 2020, la spécialiste restait prudente sur la vaccination : « La messe n’est pas dite. Ce vaccin, c’est une bonne nouvelle scientifique qu’il va falloir traduire en santé publique », rapportait l’Est républicain .

Jean-François Delfraissy a par ailleurs répondu fermement en conférence presse aux critiques sur le silence récent du Conseil scientifique : « Ce n’est pas parce que nous ne sommes pas dans médias que nous ne travaillons pas. Au contraire, nous travaillons peut-être mieux dans le silence ».

 

Annexe 2 – Les 32 avis du Conseil Scientifique

Le 12 mars 2020, dans son premier avis, le Conseil scientifique établissait un bilan de l’épidémie de Covid-19 en France et préconisait diverses mesures pour y répondre, dont le renforcement des mesures barrières, la limitation des déplacements, la réduction des activités non essentielles et la recommandation du télétravail.

Le 14 mars 2020, dans son avis n° 2, le Conseil scientifique recommandait l’accentuation des mesures de restriction de la vie sociale. Dans cet avis, le Conseil ne s’est pas opposé à la tenue du premier tour des élections municipales.

Le 16 mars 2020, dans son avis n° 3, le Conseil scientifique recommandait la mise en place d’un confinement généralisé au niveau national. Le Conseil scientifique établissait en outre des recommandations spécifiques pour les personnes les plus fragiles et insiste sur la nécessité d’équiper au mieux les soignants en matériels de protection face au coronavirus.

Le 23 mars 2020, dans son avis n° 4, le Conseil scientifique alertait sur la disponibilité des matériels de protection et l’importance de la médecine de ville face à l’épidémie de coronavirus. Le Conseil scientifique considèrait en outre « indispensable » de prolonger et renforcer le confinement.

Le 30 mars 2020, dans son avis n° 5, le Conseil scientifique portait des recommandations concernant les EHPAD.

Le 02 avril 2020, dans son avis n° 6, le Conseil scientifique réalisait un état des lieux du confinement avec les critères de sortie.

Le 08 avril 2020, dans son avis n° 7, le Conseil scientifique évoquait l’état de l’épidémie dans les outre-mer.

Le 20 avril 2020, dans son avis n° 8, le Conseil scientifique se prononçait sur la sortie progressive de confinement, avec les prérequis et les mesures phares.

Le 24 avril 2020, l’avis n° 9 du Conseil scientifique concernant les enfants, les écoles et environnement familial dans le contexte de la crise Covid-19.

Le 28 avril, dans son avis n° 10, le Conseil scientifique considérait que l’ensemble des dispositifs de lutte contre l’épidémie de Covid-19, incluant ceux prévus dans la loi sur l’état d’urgence sanitaire, restent nécessaires dans la situation sanitaire actuelle.

Le 08 mai 2020, dans son avis n° 11, le Conseil scientifique s’occupait des réunions d’installation des conseils municipaux et des établissements publics de coopération intercommunale.

Le 12 mai 2020, l’avis n° 12 était relatif au déconfinement en outre-mer et aux modalités d’entrée sur le territoire.

Le 18 mai 2020, l’avis n° 13 était relatif aux modalités sanitaires du processus électoral à la sortie du confinement.

Avis n°14 du 2 juin 2020 : 4 scénarios pour la période post-confinement – Anticiper pour mieux protéger

Avis n°15 du CS du 8 juin 2020 : Analyse épidémiologique en prévision du scrutin du 28 juin 2020

Avis n°16 du CS du 8 juin 2020 : Organisation de la sortie de l’état d’urgence sanitaire

Avis n°17 du CS du 14 juin 2020 : Analyse épidémiologique en prévision du scrutin du 28 juin 2020

Note n°18 du CS du 21 juin 2020 : Conservation des données dans le cadre de l’article 2 du projet de loi organisant la sortie de l’état d’urgence sanitaire

Avis n°1 du CARE – Conseil scientifique-Comité vaccins – du 9 juillet : Vaccins contre le SARS-CoV-2 – 9 juillet 2020 – Une stratégie de vaccination

Avis n°19 du CS du 10 juillet 2020 : Arrivée en France depuis les pays considérés à risque

Note n°20 du CS du 12 septembre 2020 : Prorogation du régime transitoire institué à la sortie de l’état d’urgence sanitaire

Avis n°21 du CS du 27 juillet 2020 : Se préparer maintenant pour anticiper un retour du virus à l’automne

Avis n°22 du CS du 3 septembre 2020 : Stratégie et modalités d’isolement

Note d’Alerte n°23 du CS du 22 septembre 2020 : Un contrôle renforcé de l’épidémie pour « mieux vivre avec le virus »

Avis n°24 du CS du 19 octobre 2020 : Prorogation de l’état d’urgence sanitaire

Avis n°25 du CS du 20 octobre 2020 : Un nouvel ensemble numérique pour lutter contre le SARS-CoV-2

Note n°26 du CS du 26 octobre 2020 : Une deuxième vague entrainant une situation sanitaire critique

Note n°27 du CS du 14 novembre 2020 : Disponibilité des tests rapides : définir une stratégie de tests

Note d’éclairage n°28 du CS modifiée du 14 décembre 2020 : Accompagner une fin d’année pas comme les autres

Note d’alerte n°29 du CS actualisée du 22 décembre 2020 : Le clone anglais « VUI-UK ». Anticiper une reprise épidémique en janvier

Avis n°30 du CS du 19 décembre 2020 : Retour sur le territoire en provenance d’une zone de circulation du Covid-19

Avis n°31 du CS du 8 janvier 2021 : Le conseil émet un avis favorable à la prorogation de l’état d’urgence jusqu’au 1er juin 2021 puis à une prorogation du régime transitoire jusqu’au 31 décembre 2021.

Avis n°32 du CS du 12 janvier 2021 actualisé du 13 : Entre vaccins et variants : une course contre la montre

Note d’éclairage du 29 janvier 2021 : Note d’éclairage : Point de situation sur les variants, modélisation, perspectives pour le mois de mars)

Avis du Conseil scientifique Covid-19 du 12 février 2021 : Variant « sud-africain » 501y.v2 et départements de l’Est de la France

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